Par Alain Beaupin, Président de l’Institut Jean François Rey.
Selon un adage populaire, l’idiot affirme, le chercheur doute, le philosophe réfléchit. Où en est notre système de santé ? Crise structurelle de l’hôpital, soins primaires mal organisés, santé publique à la peine, en matière de santé l’heure est au doute. Le constat fait consensus. Passons à la question suivante : où va notre système de santé ? Bien malin ou bien peu sage serait celui qui se risquerait à un pronostic.
Quels seraient les principes essentiels susceptibles de fédérer nos concitoyens autour d’un but pour notre système de santé ?
Quels objectifs souhaiterions-nous poursuivre ? Quels choix collectifs souhaiterions nous adopter ? Plus ou moins de justice sociale ? Plus ou moins d’inégalités ? Plus ou moins de solidarité ? Moins d’égoïsmes ? Plus ou moins de protection sociale ? L’action politique c’est de choisir. Faire des choix de société. Choix de société pour refonder notre système de santé.
Faisons ici le choix de prendre le parti du bien commun, de la sécurité sociale solidaire et universelle, le parti de la justice sociale. Ceci posé, comment faire pour se débrouiller avec un paysage sanitaire très morcelé, animé par des intérêts contradictoires. Comment défendre l’hôpital public et son humanité, si nécessaire et si bafouée, alors qu’est épuisée la force propulsive de son modèle actuel. Modèle biomédical formé dans la seconde moitié du vingtième siècle : toujours plus de spécialités, de sur-spécialités, de pensées en silo au sein desquels a éclaté et s’est affaiblie la pensée médicale contemporaine. Modèle médical productiviste, technophile, placé sous la tutelle du monde des industries de santé. Modèle obéissant à ses gênes avides de croissance, dans un monde réel hébergé par une planète aux ressources finies. Modèle déclinant, inapte à se renouveler, gagné par l’impuissance.
Choisissons d’organiser notre système de santé autour des soins primaires
Les promoteurs des soins primaires, expliquent de façon convenable pourquoi il faudrait réorienter les ressources du système et son pilotage au plus près des besoins des populations et des individus, au niveau des territoires et des soins primaires. Développer la prévention, affecter les ressources aux actions offrant les meilleurs rendements, aux plans médical et social. Recourir à l’hôpital lorsque c’est nécessaire, savoir éviter l’hôpital lorsque de meilleures options sont possibles. Dans le respect absolu de l’individualité des patients et de leurs choix.
Tant qu’à tourner la page de l’hospitalocentrisme, allons-y franchement
La fausse bonne idée serait de transposer dans les soins primaires le modèle hospitalier. Son insupportable gouvernance par les nombres, ses manageurs formatés et leurs langages ahurissants. L’inhumanité brutale, et les soignants en souffrance. La médiocrité des résultats sur la pertinence des soins, les surdiagnostics, les surtraitements. Les parcours normatifs comme si les patients étaient des objets manufacturés. Les patients décrits non pas comme des humains, mais comme du flux et du stock.
Le modèle ne fonctionne pas. Inutile de tenter de le recycler au sein des soins primaires.
Trente deux ans après la charte de l’OMS d’Alma-Ata en 1978, le moment est venu d’écrire une nouvelle page pour la santé publique, pour le soin et la prévention et pour le bien-être de chacun. De nouveaux modèles de services de santé pour les patients, les individus et les populations, au plus près de chaque territoire de vie. Des nouveaux modèles de services publics construits ensemble, avec les usagers et les professionnels.