Dr Hélène Colombani bonjour, et merci beaucoup d’avoir accepté cette interview.
Tout d’abord, permettez-moi de présenter un résumé de votre riche parcours.
Vous êtes spécialisée en médecine Générale et en Santé Publique. Directrice de la Santé de la ville Nanterre, des centres de santé municipaux polyvalents. Secrétaire Générale de la Fédération Nationale des Centres de Santé (FNCS) depuis 2011. Vous siégez au bureau de la Conférence de territoire des Hauts de Seine. Depuis 2014, vous représentez la FNCS dans l’EFPC (European Forum for Primary Care), au sein de l’Advisory boarding.
Vous œuvrez pour une approche globale des soins primaires et de la prévention, afin de favoriser le bien être de tous les patients et de lutter contre les Inégalité Sociales et Territoriales de Santé.
Et depuis peu, vous avez été élue Présidente de l’Institut Jean-François Rey pour promouvoir la recherche en soins primaires dans les centres de santé.
–Pouvez-vous nous dire maintenant ce qu’est le tout nouvel Institut Jean-François Rey?
L’Institut Jean-François Rey a pour objet de développer des recherches spécifiques aux centres de santé. Les organisations de soins pluri-professionnelles se développent, et sont des lieux d’innovation et de structuration du système de soins ambulatoires à partir des initiatives de professionnels et d’acteurs locaux. Les gestionnaires (la Fédération nationale des centres de santé FNCS) et les professionnels (L’Union syndicale des médecins de centres de santé) avec le soutien de la FNFCEPPCS ont décidé conjointement de développer, rendre visible cette expertise des centres de santé dans le cadre d’un exercice regroupé et coordonné des soins et impliquant les différents professionnels qui y travaillent.
Quelles en sont plus précisément les missions ?
L’étudeEPIDAURE-CDS, réalisée entre 2008 et 2011 par l’IRDES dans 21 centres de santé polyvalents, a été une première étude de grande ampleur qui a montré que les centres de santé savaient se mobiliser pour la recherche. Cette étude a mis en évidence leurs spécificités structurelles, les caractéristiques sociales, économiques et démographiques des patients pris en charge, notamment la proportion élevée de personnes socialement vulnérables
Cependant suite à cette étude, leurs promoteurs ont réalisé que beaucoup de sujets restent à étudier et peuvent faire l’objet de recherches. Par exemple, l’importance du mode d’organisation des centres de santé dans la réduction des Inégalités de santé :
-Quel est l’impact de l’organisation multi professionnelle regroupée et ce qu’elle implique en termes d’organisation et de pratiques professionnelles associant des métiers multiples, l’intégration d’acteurs médicaux et sociaux et cela en lien avec le territoire ?
-Y a-t-il déjà un projet de recherche en cours ?
Depuis plusieurs mois nous travaillons à un nouveau projet Epidaure 2 dans le cadre d’un groupe de pilotage.
Nous souhaitons, dans cette étude, tester l’apport des centres de sante dans l’accès aux soins préventifs secondaires (dépistage, suivi des maladies chroniques.). Notamment l’impact organisationnel (exercice regroupé et coordonné des soins) dans l’accès à la prévention. Il est admis que l’amélioration de l’accès à ceux ci est l’un des éléments qui participe à la réduction de l’inégalité sociale et territoriale d’accès aux soins. Nous accueillons des populations plus vulnérables, comme l’a montré Epidaure 1 : arrivons-nous du fait de notre organisation à favoriser leur accès à des soins préventifs ?
L’objectif sera donc d’étudier l’accès aux soins préventifs des patientèles des centres de santé selon leurs caractéristiques cliniques et sociales et de les comparer à une population témoin puis d’analyser les facteurs expliquant ces différences au regard des pratiques des médecins, de l’organisation des équipes en interne et leur articulation avec l’environnement afin de dégager des leviers d’action généralisables pour réduire les inégalités sociales de santé en soins primaires.
Nous avons déposé, début mars, un dossier de demande de financement PREPS (pour les projets de recherche sur les soins et l’offre de soins) auprès de la DGOS. Une trentaine de centres de santé s’est déjà portés volontaires pour cette étude.
En attendant la réponse, nous travaillons déjà à favoriser les conditions de mise en œuvre de ce projet, notamment à la structuration et consolidation du système d’information des centres de santé.
-Pourquoi le choix du nom Jean-François Rey?
Il témoigne de la volonté de rendre hommage à celui qui inspira le mouvement des Centres de santé : Le Dr Jean-François Rey fondateur des centres de santé mutualistes de Bouche du Rhône a dès 1950 posé les principes de la médecine d’équipe. Il a encouragé des démarches novatrices : les limites de la seule approche clinique et la nécessaire prise en compte des déterminants de santé pour une approche globale, les conditions de vie et de travail jouant un rôle majeur dans la santé des individus , rendant nécessaire une articulation des soins et de la prévention dans une démarche ancrée sur le territoire. De même il a impulsé une vision du médecin ayant une responsabilité sociale. Son apport a aussi été déterminant dans la suppression du lien d’argent entre le patient et le malade.
Un esprit sans cesse en mouvement, dans une recherche permanente de ce qui pouvait améliorer la santé des individus et diminuer les inégalités de santé. C’est le sens que l’on souhaite donner à Institut de Recherche pour les centres de santé.
Dr Colombani, merci beaucoup pour vos propos passionnants. En conclusion, les centres de santé se dotent d’un nouvel outil riche de promesses. Leurs équipes vont, à coup sûr, s’en emparer et guetter avec intérêt le lancement de l’étude Epidaure 2.
Dr Claire Meignan, Médecin généraliste dans les centres de santé des villes d’Orly et de Vitry.